Rencontre nationale des agences d’urbanismeActualité
Compte rendu de la table ronde et de la visite du quartier de la Reynerie (Grand Mirail) co-organisées par le Comité d'Histoire de la Politique de la Ville, l'AUAT et Toulouse Métropole le 13 octobre 2022.
Visite n° 12 (13 octobre matin) : Les Quartiers Politique de la Ville, acteurs du changement
Propos introductif de Gaëtan Cognard, conseiller délégué à la politique de la ville de Toulouse Métropole, maire de quartier Mirail – Reynerie – Bellefontaine`
Il rappelle les objectifs de la politique de la ville (PV) : « réduire les écarts sociaux de nos territoires » avec un angle de vue tourné vers les habitants :
1 - donner envie aux habitants de la métropole de venir dans nos quartiers,
2 - donner les moyens à ceux des habitants qui veulent en partir,
3 - améliorer le cadre de vie de tous les habitants.
Il y a différents leviers pour agir : le renouvellement urbain (RU) et la cohésion sociale (volet social des contrats de ville)
À Toulouse, RU et approche sociale sont liés et concernent 63 000 habitants dans 16 QPV dont 12 QPV sur la commune de Toulouse, 4 QPV à Cugnaux, Colomiers, Blagnac.
« Notre ligne politique à Toulouse est d’agir sur les trois leviers : la mixité sociale, la mixité des usages (développement économique de nos quartiers comme avec le collectif Abbal), le renouvellement urbain. »
La convention NPNRU de 2019 parait loin, même si les objectifs sont toujours là : démolitions et nouveaux services publics, notamment la création de la Cité de la Danse.
« Depuis 2019, beaucoup de choses ont changé (les différentes crises…). Comment on agit différemment en complément au NPNRU 2019 ? Par la prise en compte de la question énergétique et une concertation plus importante, mais en gardant nos objectifs de démolitions et en mettant en place de nouveaux services publics. »
Exemple avec le Collectif Abbal, nous travaillons à transformer l’ancienne mairie de quartier vouée à la démolition en un lieu pour les jeunes créateurs d’entreprises.
Autre exemple, le collège Badiou, démoli, est devenu une friche destinée à l’agriculture urbaine
« Notre volonté : plus de concertation, plus d’ambition écologique. C’est un chemin différent qu’il faut emprunter. Avec Jean-Luc Moudenc, notre vision à Toulouse est rendre attractifs nos quartiers ! »
Intervention d’Hélène Lestarquit, nouvelle sous-préfète à la Ville
Mission extrêmement riche. Elle regrette de ne pouvoir faire cette visite concrète sur le quartier. Elle a travaillé, par des fonctions antérieures côté collectivité, sur les politiques sociales et la Politique de la Ville. De cette double expérience, elle sait que « c’est le couple, le tandem, Etat/collectivité locale par une vision partagée des enjeux et des propositions, un investissement massif et des moyens mutualisés, qui font que l’on arrive à faire bouger les choses et je sais qu’à Toulouse Métropole ce couple fonctionne très bien. On va continuer dans ce sens. Les enjeux sont énormes : des milliards d’euros sont affectés à la Politique de la Ville. C’est de l’argent public. Le défi à relever est d’être raccord sur cette politique. Le quartier Reynerie illustre cet investissement. Il va être le plus transformé : environnement, lac, cité éducative, cité de l’emploi… Il illustre la concomitance de tous les pans de l’action publique, qui paraît parfois un peu éparpillée. »
La thématique choisie pour vos travaux : « Les quartiers de la politique de la ville, acteurs de changement » se prête à une double lecture : les habitants doivent être acteurs du changement même si on sait qu’il est parfois difficile de les mobiliser ; on sait aussi que ces quartiers représentent la société de demain, une société qui sera forcément multiculturelle, diversifiée, et qui est une richesse. Ces quartiers sont pleinement intégrés dans la nouvelle politique France 2030. C’est pourquoi il faut aussi continuer à travailler, à œuvrer pour lutter contre les discriminations notamment à l’embauche, qu’il faut mettre en valeur toutes les initiatives ».
« Vous avez choisi de travailler sur l’histoire de la Politique de la Ville. Comme Sous-Préfet on a souvent affaire à des événements mémoriels. Cette histoire est fondamentale : les quartiers ont une mémoire, la Politique de la Ville a une mémoire.
Et si les agences d’urbanisme sont nées en 1967 au moment de la Loi d’orientation foncière (LOF) pour créer une ingénierie territoriale qu’on sentait nécessaire, la Politique de la Ville, née à peine 10 ans après (1977), est devenue, avec le Renouvellement Urbain et toutes ces politiques intégrées, un cadre d’ingénierie territorial complet.
C’est une politique extrêmement évaluée, peut-être un peu trop (rires), très scrutée, mais elle s’inscrit dans un temps long, peut-être trop long, mais c’est le temps de l’humain et de l’urbain. Il faut faire avec !
Parce qu’elle s’adresse à la jeunesse, parce qu’elle est transversale par nature, parce qu’elle appelle des compétences comme les vôtres extrêmement expertes, diversifiées,…cette politique-là est d’une richesse infinie, elle nous invite, nous incite à nous mobiliser encore plus pour elle.
Michel Didier
« Je suis le tout récent président du comité d’histoire de la PV puisqu’il a été créé par arrêté ministériel du 14 avril 2022, à l’initiative de la précédente ministre de la Ville Nadia Hai.
Comité commence à travailler (comité d’orientation avec partenaires et réseaux dont la FNAU + comité scientifique, dont Marie-Christine Jaillet, Antoine Loubière et Brigitte Guigou) »
Il présente son parcours, très marqué par la PV et le travail dans les quartiers populaires (éducateur spécialisé, collectivité locale, ministère de la Ville…)
Pourquoi faire une histoire de la PV ?
PV est née il y a plus de 45 ans si on la fait démarrer aux premières opérations HVS.
Pour autant, elle reste assez largement méconnue, faute de travaux historiques, voire même injustement jugée parfois ; deux types de personnes : ceux qui pensent qu’on n’a jamais rien fait dans ces quartiers, qu’on les a laissés à l’abandon et ceux qui pensent qu’on y déverse des moyens considérables sans aucun résultat.
Il y a donc un enjeu d’objectivation de ce qui s’est fait dans ces quartiers avec cette politique qui est la seule dont l’objet est de travailler avec les habitants des quartiers populaires.
Il s’est fait beaucoup de choses. C’est une politique particulièrement intéressante, particulièrement riche ; elle est contemporaine de la décentralisation, de toutes les grandes mutations qu’a connues notre pays (urbaines, sociales, économiques, culturelles), des crises urbaines qu’ont traversées certaines de nos villes et de nos quartiers.
Elle a été aussi, au moins à ses débuts, un laboratoire de transformation, d’innovation dans l’action publique. C’est une politique transversale et territoriale qui a mis la participation des habitants au cœur même de son mode d’action de même que le principe de la contractualisation, avec ce fameux tandem maire/préfet, ce couple État/collectivité.
Notre ambition est de pouvoir retracer avec le recul et l’objectivité nécessaires tout ce qui s’est fait dans les quartiers populaires au service des habitants et à travers le récit de cette histoire et le recueil de cette mémoire, les deux sont liés, de valoriser l’appartenance des quartiers populaires à la République et l’action de tous ceux qui sur le terrain se sont dépensés sans compter au service des habitants : les associations, et aussi l’éducation populaire, mais aussi évidemment les acteurs de l’État, les élus locaux, leurs services dont on sait à quel point ils se sont investis dans ces quartiers.
Ce n’est pas aussi connu que ça en dehors du cercle des initiés que nous sommes. C’est une politique qui, dans le grand public, reste méconnue.
Quelques parti pris, quand nous avons monté ce comité, qui est un projet collectif :
Le premier, qui nous différencie peut-être d’autres comités d’histoire : il ne s’agit pas de faire une histoire administrative par le haut, encore moins une histoire du ministère, c’est vraiment faire une histoire sociale, une histoire par le bas, en tout cas par tous ceux qui ont contribué à sa conception, sa mise en œuvre et son animation, les élus locaux et leurs services, les bailleurs sociaux, l’État et évidemment les associations qui sont sur le terrain, qui ont joué et jouent toujours un rôle extrêmement important dans l’animation de cette politique, les professionnels enfin – ce cadre d’ingénierie particulier qu’a inventé la PV – qui sera aussi un de nos angles de travail
Deuxième objectif : recueillir des témoignages d’acteurs et faire un inventaire des travaux existants, des sources et des archives disponibles, car elles sont très dispersées.
C’est un projet collectif partagé avec les associations d’élus, les réseaux de la PV, les universités comme le Campus Condorcet avec qui nous avons une convention de partenariat.
Gaëtan Cognard : Les QPV sont des territoires préfigurateurs de la ville de demain. Ils constituent l’avenir de nos métropoles.
Marie-Christine Jaillet : membre du conseil scientifique du comité d’histoire, je travaille sur ces politiques comme chercheuse, mais pas seulement. J’ai un lien particulier avec ce lieu parce que je travaille à côté, à l’université Jean Jaurès (anciennement université du Mirail), mais j’y vis aussi. Nombre de chercheurs entretiennent un rapport singulier avec leur objet ou terrain de recherche qui tient à leur histoire personnelle ou à leur parcours. Mais c’est aussi le cas de nombre d’acteurs de cette politique, qu’il s’agisse des élus, des professionnels, des militants.
Quelques propos un peu décousus pour vous donner quelques repères.
À Toulouse, la PV a été portée, incarnée par des femmes, notamment des élues à commencer par Françoise de Veyrinas (1943-2008), première adjointe au maire de Toulouse, Dominique Baudis de 1995 à 2008, mais également Claude Touchefeu, d’abord comme vice- présidente en charge des politiques sociales au Conseil Général puis comme adjointe de Pierre Cohen, ou encore Monique Iborra en charge de cette politique au Conseil Régional. Mais ce fut aussi le cas, pendant longtemps, des responsables de la mission du développement social urbain…
La politique de la ville a été un laboratoire de transformation de l’action publique. S’y est expérimenté un certain nombre de principes qui se déploieront ultérieurement au-delà du périmètre de la politique de la ville : la territorialisation, la transversalité…
À Toulouse, faire l’histoire de la politique de la ville c’est aussi faire l’histoire d’une administration de mission (une équipe resserrée autour d’une élue « charismatique ») « contre » les services qui finira par devenir une direction « de plein droit » installée dans les services de l’intercommunalité (Métropole).
Faire l’histoire de la politique de la ville c’est encore faire l’histoire des lieux, car ce qui la fonde, c’est sa « rencontre » avec le territoire, dans un rapport complexe et dont les termes varient dans le temps, entre l’État, les collectivités et l’ensemble des acteurs concernés.
À Toulouse, l’offre de logements sociaux bon marché est concentrée pour l’essentiel sur le territoire même de la ville de Toulouse, et pour une part très significative dans le sud-ouest de son territoire.
Au sein de ce vaste ensemble du « Grand Mirail », chacun des quartiers qui le compose a une histoire particulière. Le Grand Mirail associe donc une mosaïque de quartiers : Papus, Faourette, Bagatelle et Empalot et le Mirail proprement dit, etc.
Le projet du Mirail (porté par un maire, Louis Bazerque, et une équipe d’architectes autour de Georges Candilis) n’est pas celui d’un grand ensemble classique, mais un projet de quasi ville nouvelle (sans en avoir jamais eu le statut) qui va connaitre le destin d’un grand ensemble.
Le Mirail est lui-même composé de plusieurs entités : le quartier de Bellefontaine, premier quartier construit qui respecte le projet de Georges Candilis ; le quartier de Reynerie, dans lequel nous sommes, second quartier construit déjà en rupture avec les principes promus par Georges Candilis. En effet, suite à la campagne des municipales de 1971 qui a, en partie, porté sur le devenir du Mirail, Pierre Baudis devenu maire, après avoir fait campagne contre le projet Candilis, en modifiera fondamentalement les perspectives et le contenu. Georges Candilis partira. Les autres quartiers (de l’Université et des Pradettes) ont totalement rompu avec le projet initial.
Le Mirail – Bellefontaine et Reynerie – connait en moins de dix ans une évolution radicale de son peuplement : habité au début des années 1970 par les classes moyennes, il entre dans la politique de la ville au début des années 1980, après avoir connu le départ de ces classes moyennes et leur remplacement par des ménages modestes ou précaires issus pour une part déjà significative des diverses migrations. Jusqu’en 1998, la politique de la ville va chercher à faire revenir les classes moyennes au Mirail, misant sur la qualité des logements et de l’environnement.
Entre 1985 date à laquelle le quartier de Reynerie a bénéficié d’un programme de DSQ et 1998, la politique de la ville n’abandonne pas la perspective d’un retour des classes moyennes mais une rupture intervient en 1998 avec l’embrasement du quartier en raison de la mort d’un jeune tué suite à un contrôle policier.
Cet épisode qualifié « d’émeute urbaine » va mettre fin à l’espoir de revenir au peuplement initial et consacrer en quelque sorte le statut de « quartier populaire ghettoïsé » de Reynerie.
Autre élément de l’histoire de ce quartier comme de toutes les grandes cités du sud-ouest toulousain, Reynerie a été désenclavé dès 1993 par la première ligne de métro qui l’a mis à moins de 20 mn de la Place du Capitole.
À donner quelques jalons de l’histoire du Mirail, il faut aussi mentionner la date du 21 septembre 2001, avec la catastrophe provoquée par l’explosion de l’usine AZF, située à 1 km de là où nous sommes, qui s’est traduite par la mort de 31 personnes, a fait 2 200 blessés et ravagé ces quartiers (voitures cabossées, portes et vitres brisées…). Mais elle a montré également la résilience des habitants, coupés pendant 48 heures du reste de la ville, qui ont su s’organiser pour faire face aux dommages subis.
Cerner l’histoire de Reynerie c’est aussi prendre en compte son environnement immédiat et en particulier la présence toute proche de l’université Jean Jaurès qui accueille 30 000 étudiants. Si avant l’ouverture de la ligne de métro, les étudiants pouvaient habiter les quartiers du Mirail, ce n’est plus le cas lorsque le centre-ville est aussi facilement accessible qu’il l’est aujourd’hui. Cependant, faire revenir des étudiants dans le quartier participe de la volonté de diversifier sa population : qu’il s’agisse des initiatives portées par l’AFEV qui installe des étudiants dans des logements HLM mis à disposition par les bailleurs, moyennant un loyer plus réduit contre leur engagement à s’impliquer dans la vie du quartier ou de stratégies immobilières d’investisseurs qui rachètent des logements dans le parc privé pour y développer des co-locations étudiantes.
Prendre en compte l’environnement du quartier, c’est aussi constater que l’urbanisation a rattrapé le Mirail : situé aux confins de la ville, il jouxte désormais de grandes zones d’activités plutôt qualifiées dont très récemment l’Oncopole qui a remplacé l’usine AZF et il est également inclus dans un bassin d’emploi et d’habitat qui associe à ces quartiers des communes périurbaines (Cugnaux, Tournefeuille) qui ont connu un fort développement urbain et sont habitées par des classes moyennes qualifiées, voire très qualifiées.
(Présentation de la visite) Comme vous le constaterez, après ces quelques repères et jalons, nous sommes au cœur du quartier, sur la place Abbal dont le réaménagement reste à faire dans un quartier qui a beaucoup changé sur le plan morphologique : de nombreuses démolitions ont eu lieu, d’autres viendront. Pour le moment, peu de reconstructions les ont remplacées et les quelques immeubles reconstruits n’ont pas vraiment contribué à une plus grande « mixité sociale ». Quant au projet urbain proprement dit, il s’est attaché à retraiter d’abord les « marges » du quartier et à redessiner les axes. Le cœur du quartier qui en constitue le cœur vivant est occupé le jeudi par un grand marché et le soir à partir de 17h par les hommes (surtout) qui s’y retrouvent et poursuivent palabres et conversations… mais dans un cadre qui mériterait d’être amélioré.
Pour autant si le quartier a physiquement changé, ce n’est pas le cas ni sur le plan social, ni sur celui de ses représentations.
Danièle Soulet, directrice de la PV à Toulouse à partir de 1990
Avant Toulouse, en poste à Amiens dans des démarches HVS puis DSQ très centrées sur le cadre bâti et les espaces publics. Importance de l’incarnation politique locale (ex. Amiens l’adjoint à l’urbanisme) qui engage le mode d’intervention.
En 1990, l’élue de référence à Toulouse était Françoise de Veyrinas, très engagée dans la PV au plan local comme national. Elle a été vice-présidente du CNV et secrétaire d’État aux quartiers en difficultés (mi-novembre 1995).
A ce moment-là (1990), plusieurs rapports alimentent, donnent sens à la PV. Elle illustre la fonction d’expérimentation et de transformation de l’action publique : création au sein de la Ville de Toulouse d’une mission développement social rattachée au directeur général des services qui n’est pas un service administratif mais justement une force d’expérimentation. Objectif : transformation des modes d’intervention des services.
« Processus complexe, douloureux, dérogatoire… »
La notion de transmission est importante. Les événements de 1998 et de 2001 ont été vécus différemment. 1998 a constitué une cassure, du fait d’une violence importante et d’équipements publics dévastés, très mal vécus par les autres services municipaux.
Les événements de 2001 sont différents avec une solidarité et une volonté partagée.
La PV au-delà d’une politique intégrée, le programme de renouvellement urbain.
Elle rappelle l’expérience d’Amiens : passage de responsabilité de l’adjoint à l’urbanisme à l’adjoint au social, lors d’un changement politique (élection de Gilles de Robien en 1989), suivie d’une externalisation de la PV pendant un an avant un retour en interne et des investissements très importants dans les quartiers nord.
Elle souligne l’importance des lieux : Toulouse et Amiens sont des villes très différentes.
À Toulouse, lier le social et l’urbain est un principe fondateur, avec un travail avec l’AUAT qui a été en charge de la MOUS pour l’aspect urbain sur le GPU.
Marie-Christine Jaillet précise que l’agence d’urbanisme avait travaillé précédemment sur la procédure HVS qui avait concerné le quartier Bagatelle (voisin du Mirail mais quartier d’habitat social plus ancien, réalisé notamment pour accueillir les rapatriés d’Algérie).
Najia Ghaba est directrice de l’association Voir et Comprendre (depuis 34 ans, intervenante sur le Mirail), association d’éducation populaire centrée sur la prévention de la délinquance puis sur la médiation sociale, son cœur de métier. Elle propose un regard plus critique à partir de la vie des habitants. Elle retient trois dates : 1998, 2001 et 2005.
Pour elle, la PV à Toulouse est « une politique réactive à des événements, conduisant des actions dans l’immédiateté. C’est une politique descendante sans tenir compte des besoins des habitants, de l’expertise des associations, du terrain. »
Pour autant, beaucoup de moyens ont été mobilisés mais sans apporter de valeur ajoutée pour l’habitant. La rénovation urbaine veut-elle améliorer le cadre de vie ? le niveau de vie ?
La RU n’a pas réussi sur Reynerie.
Dans les années 1970-1980, c’était un quartier résidentiel avec différentes classes sociales.
Ensuite sont restés ceux qui ne pouvaient pas partir du quartier.
Le quartier Reynerie est toujours en chantier. Il y a une très belle Maison de la citoyenneté où se déroule cette réunion (ndlr) – mais qui n’est pas accessible à tous.
Il y a quelques belles initiatives comme des jardins partagés. Mais beaucoup d’habitants veulent quitter le quartier (70%). Ils ne s’y sentent pas bien car il y a une augmentation des trafics, de l’économie souterraine. Par exemple, place Abbal, il y un marché illégal à la vue de tous. Et les nouveaux habitants sont encore plus précaires que les anciens.
Depuis 15 ans, on parle beaucoup de la participation des habitants. Mais pour qu’un habitant s’implique, il faut qu’il se sente bien dans son quartier et que son frigo soit rempli.
Les habitants se comportent en consommateurs de services et sont en colère contre l’État, la municipalité, les associations. Et la jeunesse ne va pas bien.
La politique de la ville qui veut être innovante, s’est substituée au droit commun.
Avec la dématérialisation des dispositifs le droit commun a disparu des quartiers. Les acteurs associatifs ont vu le nombre d’accompagnement augmenté de façon conséquente. De plus en matière d’emploi les emplois aidés ont disparu ou se sont considérablement réduits.
En 2001 l’explosion d’AZF a rebattu les cartes de la politique de la ville.
La politique des grands frères a conduit au communautarisme : on laisse le quartier s’autogérer alors qu’une religion est très présente sur le quartier. Il est quasi impossible de donner des rendez-vous le vendredi après-midi. Et pendant le Ramadan, se pose le problème des repas pour les jeunes enfants.
Faut-il encore parler de discrimination positive ? je n’en suis pas sure.
La solution : une politique volontariste d’éducation, des écoles et un enseignement de bonne qualité ! Ainsi quand le collège Badiou a été fermé, les élèves ont été redispatchés ailleurs. Et cela semble une bonne chose. Il y a un changement des habitants, par exemple, les trafiquants n’habitent pas le quartier mais viennent d’ailleurs.
Un petit débat s’engage.
Marie-Christine Jaillet insiste sur la diversité des attitudes des habitants : certains veulent partir, d’autres non.
Pour Gaëtan Coignard, la question est « comment donner les moyens de rester à ceux qui le veulent ». C’est le problème de la sécurité dans le quartier mais aussi la possibilité d’offrir des parcours résidentiels aux habitants. Il souligne que la situation lui parait différente à Empalot qui donne l’envie d’y venir, grâce notamment à une certaine mixité. L’élu précise que la municipalité s’est engagée dans des démarches de « déconstruction » et d’usages transitoires des friches. Il cite l’île du Ramier qui est un projet emblématique du réemploi des matériaux et des terres. La démolition du collège Badiou donne aussi lieu à un dispositif de récupération. Une plate-forme de recyclage pourrait prendre place dans le quartier.
La nouvelle démarche de l’ANRU « quartiers résilients » va fournir des pistes et des moyens.
Léo Marguerit, architecte paysagiste (Atelier des paysages), précise qu’à Nimes, dans le quartier en rénovation urbaine Pissevin-Valdegour, le problème se pose d’imposer dans les marchés publics la réutilisation de matériaux de qualité incertaine.
Trois visites sont ensuite organisées avec un tandem différent :
n°1 : avec les architectes-paysagistes Léo Marguerit et Jean-Luc Roccon, accompagnés par Gaëtan Coignard.
n°2 : avec Marie-Christine Jaillet, directrice de recherche au CNRS, vice-présidente de l’université Jean-Jaurès, responsable scientifique du programme POPSU Métropoles, et David Coirier, responsable du pôle coordination Contrat de ville, Toulouse Métropole.
n°3 : avec Jacques Torres, chef de projet renouvellement urbain, Toulouse Métropole, et Séverine Granou-Proudhom, directrice du Contrat de ville et du Renouvellement urbain, direction de l’Action territoriale, mairie de Toulouse/Toulouse Métropole.